Dans les vestiaires, sur le terrain ou à la 3e mi-temps, les LGBTphobies s’expriment souvent sans retenue dans le milieu sportif. Malgré ces difficultés, plusieurs sportifs ont eu le courage de témoigner de leurs expériences.
Ouissem Belgacem
Ouissem Belgacem témoigne : « Mon histoire, c’est celle d’un Français, d’un arabe, d’un musulman, d’un gay et de quelqu’un qui a cherché à devenir joueur de football professionnel, jusqu’à ce que je comprenne que c’était pas compatible avec mon homosexualité. »
Guillaume Cizeron
Guillaume Cizeron, quadruple champion du monde de danse sur glace, avec Gabriella Papadakis, s’est livré dans une lettre ouverte, au moment de son coming-out en mai 2020 :
« J’avais le sentiment d’être différent. Différent des autres garçons. J’étais terrifié à l’idée d’être né dans le mauvais corps, pendant longtemps je ne savais pas qu’être gay était une possibilité, je pensais simplement que quelque chose n’allait pas chez moi. Je ne veux pas encourager les stéréotypes mais j’ai toujours été plus enclin aux jeux de poupées, de déguisement et de maquillage. Très vite, j’ai compris que les garçons ne « devaient » pas jouer aux Barbies. Donc j’ai arrêté.
Au collège, je passais de nombreuses récréations dans les toilettes, à me cacher pour ne pas être persécuté ou pour ne pas avoir à subir l’humiliation de la solitude. Les insultes rythmaient mon quotidien et devinrent bientôt cette petite mélodie malsaine en arrière-plan de mes pensées. L’accoutumance est le vice de l’intimidation, on s’habitue à la violence, elle devient normale. Et bien souvent on finit par croire qu’on la mérite. Ceux qui comme moi ont été amenés à croire qu’ils ne méritaient pas d’être doivent constamment lutter contre cette version d’eux-mêmes modelée par les autres.
Dans un monde idéal, personne n’aurait besoin d’avoir à justifier ses attirances sexuelles ou romantiques. Comme quelqu’un à qui je tiens beaucoup m’a dit une fois : « Tu mérites d’être aimé. Simplement parce que tu existes. » Chacun mérite amour et dignité, peu importe s’il s’identifie comme un homme, une femme, ou aucun des deux, peu importe qu’il soit attiré par un homme, une femme, ou les deux à la fois. »
« Faut qu’on parle » : un documentaire sur l’homosexualité dans le sport (diffusé par Canal +)
Jérémy Clamy-Edroux (rugbyman)
Jérémy Clamy-Edroux est un joueur de rugby évoluant en D2 au club de Rouen Normandie Rugby. Il est le premier rugbyman français en activité à se déclarer publiquement gay.
Sous les douches, Jérémy Clamy-Edroux, pilier de Rouen en Pro D2, raconte s’être tourné vers le mur en levant la tête, pour éviter tout signe qui pourrait être mal interprété par ses partenaires.
Dans son équipe, Jérémy ne cache pas son homosexualité, mais il reconnaît se « mettre des barrières pour que rien ne soit mal interprété ». Sur les remarques d’avant-match comme « on va les enculer ces pédés », il a dû « malheureusement accepter ». Mais avec beaucoup d’autodérision, le rugbyman joue de ces réflexions. Lors d’une séance de musculation, quand le coach de l’équipe lance un « allez, on n’est pas des pédés », Jérémy Clamy-Edroux n’hésite pas à répondre : « moi si je le suis ».
Céline Dumerc (basketteuse)
Parce qu’elle « ne disait jamais rien », ses coéquipières basketteuses la voyaient comme une éternelle célibataire. « Depuis ma relation avec Pauline, je le dis en la présentant parce qu’elle est avec moi. J’ai eu des coéquipières qui avaient peur de prendre leur douche en même temps que moi, comme si j’allais scanner toutes les filles. Ce qui compte, ce sont mes performances sur le terrain, pas si je sors avec une fille ou un garçon. »
Jérémy Stravius (nageur)
Le champion du monde du 100 mètres dos en 2011, Jérémy Stravius s’est aussi livré dans le documentaire de Canal plus
« Je sortais avec une fille trois-quatre jours, pour voir si ça matchait, mais ça ne pouvait pas durer. » Il redoutait aussi les arrière-pensées et les sous-entendus de ses coéquipiers ou concurrents dans les vestiaires, « en natation on est 24 heures sur 24 en maillot de bain. J’imaginais que certaines personnes allaient se dire, on est dans le vestiaire, il est en train de me mater ».
« Le Livre Noir du Sport » de Patrick Karam et Magali Lacroze
« Vous êtes des tapettes ou quoi ? »
Dans leur livre « Le Livre Noir du Sport », Patrick Karam et Magali Lacroze dénoncent les discriminations dont sont victimes les sportifs, notamment en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre.
« Ce jour-là, dans les vestiaires, après un match perdu, Thomas et les autres joueurs sont assis sur les bancs, en short, torse nu, la serviette sur les épaules, la mine défaite, les genoux sales, les yeux rivés au sol. Ils ne disent rien. Personne ne dit rien. Le souffle du coach. Les adolescents terrifiés. Le bruit de ses pas qui vont et viennent, des douches au vestiaire, du vestiaire aux douches. Ses mots sont cinglants. Personne ne répond. Il n’y a rien à dire.
« Vous avez joué comme des tapettes, ce soir. Vous êtes des tapettes ou quoi? Répondez-moi: vous êtes des tapettes? » Cette fois, les garçons ont redressé la tête. Ils n’ont qu’une réponse à faire. Le vestiaire pousse un « Non! » général. L’entraîneur repose sa question, une nouvelle fois, nouvelle violence. Même réponse du vestiaire. Plusieurs fois de suite. Thomas a crié, comme les autres, avec les autres. « Non, non, je ne suis pas une tapette. »
Qui cherche-t-il à tromper ? La réponse, il l’écrira deux ans plus tard, dans une lettre. Thomas a alors besoin de parler, d’écrire, de comprendre. Il souffre. Il souffre en silence. Ces mots-là sont ses premiers aveux : « Je suis attiré par les hommes, je ne sais l’expliquer et je ne sais pas si je pourrai l’assumer un jour. Ça me bouffe la vie, au point d’avoir déjà pensé au suicide ».
Thomas a arrêté son sport après une soirée foot en famille, sans prévenir personne, ni son entraîneur, ni ses coéquipiers, sans rien expliquer. »
« Ils disaient qu’ils voulaient s’amuser avec moi »
« Marc ne connaît pas les joueurs de sa nouvelle équipe. Lorsqu’il intègre ce club de rugby, à quelques pas de l’appartement familial, la saison a déjà commencé. Ses nouveaux coéquipiers se côtoient depuis quelques mois, les groupes se sont formés, soudés, autour d’une figure centrale.
« Ils avaient été mis au courant de mon orientation sexuelle par l’un des joueurs qui avait entendu parler de moi au lycée. J’assume mon homosexualité, et cela dérange beaucoup de gens. Au club, ils disaient qu’ils voulaient s’amuser avec moi. Ils employaient ce mot, oui, s’amuser. »
Dans les vestiaires, ce jour-là, le joueur le force à s’agenouiller devant lui. « Je ne me suis pas laissé faire. J’ai crié pour qu’il arrête. L’entraîneur est arrivé. Il nous a regardés, il est reparti sans un mot. J’ai crié plus fort encore. Cette fois, le directeur est arrivé, il a attrapé le jeune, il l’a plaqué contre le mur et lui a dit d’arrêter « sinon tu prends ma main dans ta gueule ». Depuis, je ne me suis plus jamais changé dans des vestiaires. J’évite les douches. Pendant les semaines qui suivent, personne n’évoque l’épisode des vestiaires. Personne ne se renseigne sur l’état de Marc. »